Les élèves et les notes
À la suite d’un cours de didactique de l’écriture qui portait sur l’évaluation, j’ai ressenti un profond malaise : je ne comprends pas cette manie qu’ont les enseignants de vouloir tout noter, tout consigner. En fait, je ne suis pas à l’aise avec l’idée de l’école comme nous la connaissons, pour laquelle il faut classer et toujours reclasser les élèves, les pousser à la performance pour la performance, sans songer un instant à leurs goûts, leur individualité et leurs capacités. Je considère que l’école devrait être un lieu où les élèves pourraient se développer au rythme de leur volonté et de leurs besoins. Ce n’est malheureusement pas le cas, et j’éprouve une certaine inquiétude par rapport à la manière actuelle de fonctionner. Le Renouveau pédagogique va en ce sens, mais bon nombre d’enseignants, de parents et même d’élèves ne semblent pas voir la chose de la même manière. Ils ont besoin de repères, de notes, de chiffres, de résultats. Même si je sais que je n’aurai pas le choix de me conformer aux normes de l’école dans laquelle je travaillerai, je continue de croire que le meilleur résultat qui existe est la réalisation d’une tâche quelconque, qui touche l’élève et qui l’amènera à se dépasser.
C’est en réfléchissant à cette idée qu’il m’est venu à l’esprit une activité à faire avec des élèves, lorsque j’aurai une classe à moi. Je la partage avec vous dans le but de susciter une réflexion d’une part, mais d’autre part pour avoir votre avis par rapport à cette idée. Elle est loin d’être parfaite, il s’agit d’une ébauche, mais plus j’y pense, et plus je crois qu’elle a une certaine valeur. J’aimerais aussi savoir si ça vous fait penser à quelque chose que vous avez déjà essayé ou que vous avez déjà entendu parler, parce que ça a beau sortir de ma tête, je n’ai pas le monopole de la réflexion.
En classe, j’aborderais le sujet des notes (pourcentage ou cote, peu importe) avec mes élèves. Je leur demanderais ce qu’ils en pensent, s’ils aiment être notés ou non. Après un survol de leurs opinions, je leur ferais part de mon avis, plutôt tranché, sur le sujet. Je m’attends à avoir des protestations, des incompréhensions par rapport à mon opinion (en fait, c’est ce que je souhaite).
J’inviterais les élèves à m’expliquer ce qu’ils aiment des notes et ce qu’ils n’aiment pas. Après leur avoir laissé du temps pour penser à leur point de vue, je ferais un débat en classe pour ou contre la notation à l’école.
Je demanderais aux élèves d’écrire une lettre aux gens du MELSQ afin de leur faire part de leurs réflexions par rapport au sujet. Ceux qui seraient pour les notes pourraient expliquer quelles sont leurs raisons de vouloir un système de notation et de quelle manière ils voudraient être notés (autant les épreuves que le système de notation en tant que tel). Ceux qui seraient contre devraient dire pourquoi ils le sont, et quelles sont, selon eux, les alternatives possibles à la notation.
Évidemment, ces activités ne seraient pas notées, puisque ce serait aller contre mon propos. De cette manière, il serait possible de voir de quelle manière les élèves travaillent sans être notés. C’est pour cette raison qu’il est primordial qu'il y ait un but à atteindre (dans ce cas-ci, la lettre) à la fin de l’activité.
À ma connaissance, ce genre de questionnement n’est jamais abordé avec les élèves. On ne leur demande à peu près jamais de se positionner par rapport à des enjeux qui les concernent aussi directement. Je crois que ce genre d’activité pourrait rendre les élèves beaucoup plus critiques par rapport à ce qui les entoure et, surtout, les amènerait à chercher des alternatives à ce qu’on leur impose plutôt que de simplement critiquer de manière superficielle.
Je suis consciente qu’en étant au cœur du système, certaines ambivalences se retrouvent dans cette activité. D’abord, parce que le conflit ne vient pas d’eux, mais qu’il est créé par un élément extérieur, c’est-à-dire l’enseignant. Par ailleurs, le fait que l’enseignant fasse figure d’autorité pourrait influencer le jugement des élèves. Finalement, les activités proposées sont les mêmes pour chacun, ce qui va à l’encontre de ce que j’ai énoncé tout à l’heure. Je crois que le fait d’être consciente de ces limites me permettra (et permettra à tout enseignant souhaitant tenter l’expérience) de tenter de les contourner et d’être ouverte par rapport à la réponse des jeunes.
Qu'en pensez-vous ?